Haaaa le climat et les céréaliers… Qu’importe les années, récolte après récolte, c’est toujours la même mélodie. Quand les journées sont belles, quand les matins d’été gorgent les épis de soleil et que les après-midi de pluie désaltèrent la terre, c’est toujours une belle chanson d’amour qui se joue à travers champs. Mais depuis que le changement climatique fait des siennes, l’histoire d’amour qui unit les céréaliers et le climat n’est plus au beau fixe. Alors, dame nature et agriculteurs, je t’aime moi non plus ?

Si pour la plupart d’entre nous, le changement climatique n’est encore qu’un phénomène inquiétant mais sans conséquence directe, pour les agriculteurs, c’est déjà une réalité quotidienne. Depuis 1995, la température moyenne s’est accrue d’environ 1°C à cause de l’enrichissement de l’atmosphère en gaz à effet de serre. Résultat ? À-coups thermiques, sécheresses sévères perturbant le développement des plantes et la formation des grains, et des tempêtes à répétition, ennemies n°1 des cultures.

Il suffit alors de tendre l’oreille pour entendre les fausses notes qui se multiplient dans notre belle chanson d’amour :

– L’avancement du cycle cultural. À cause des températures, les plantes poussent plus vite et la sortie des épis de blé prennent plusieurs jours d’avance.

– La stagnation des rendements céréaliers. Alors qu’ils étaient en progression constante depuis les années 50 en gagnant 100 kg/ha/an grâce aux avancées génétiques et aux progrès des techniques culturales, depuis la fin des années 90 non seulement les rendements stagnent mais ils sont devenus très variables. Un exemple de KO ? 2016, une sécheresse sans précédent et une récolte catastrophique : climat 1 / céréaliers 0.

– La recrudescence et la multiplication des parasites. Avec le réchauffement climatique leur aire de prédilection s’étend.

Alors ? Finie la romance entre céréaliers français et l’Hexagone, jadis pépite des climats tempérés aujourd’hui soumis à des cieux plus capricieux ? Que nenni ! Les agriculteurs courtisent le climat depuis la nuit des temps et ont plus d’une botte secrète dans leur jeu pour le reconquérir. La 1ère, c’est la merveilleuse capacité d’adaptation de leurs céréales nées pour la plupart sur des terres ô combien moins clémentes et qui en ont vu d’autres. Les autres, et bien c’est la capacité d’adaptation des agriculteurs eux-mêmes et de leurs outils.

En guise de 1er restaurant en amoureux, une très grande diversité de céréales cultivées (blé dur, blé tendre, orge, avoine, seigle, triticale…) et de variétés disponibles (par exemple, grâce à une sélection très volontariste plus de 500 variétés de blés sont inscrites au catalogue officiel en France). Puis mieux qu’un bouquet de fleurs, une capacité des céréaliers français à adapter leurs systèmes de culture et de rotations, grâce à la variabilité de nos sols. À la place d’une balade au clair de lune, une adaptation des techniques de culture. Mention spéciale pour le pilotage des parcelles en fonction de leurs besoins, rendue possible grâce aux innovations technologiques comme la détection en temps réel des besoins en fertilisants ou en eau. La recherche fondamentale (INRA*) et appliquée (instituts techniques) qui a anticipé l’impact du changement climatique et lancé des programmes coordonnés de recherche en mobilisant des techniques d’examen du génome. Leur but : créer des variétés tolérantes aux stress climatiques ou capables de valoriser des concentrations élevées en gaz carbonique ou ayant des cycles de croissance particuliers… Ces recherches mettent en œuvre des expérimentations au champ avec des serres mobiles et des capteurs qui permettent de simuler différents scénarii climatiques et d’analyser le comportement des plantes depuis leur aspect visuel, leur production et le fonctionnement de leurs gènes.

Alors pas d’inquiétude, si depuis quelques années, la romance des céréaliers et du climat a parfois subit quelques couacs, rassurez-vous c’est toujours un beau roman, une belle histoire !

*INRA Institut National de Recherche Agronomique