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Gaspillage des villes, gaspillage des champs, quelle différence ?

En 2018, difficile de parler d’agriculture sans parler d’écologie. Mais le monde agricole n’est pas le seul à devoir porter sur ses épaules les défis de demain. Surveiller son empreinte carbone, le nombre de ses bains par semaine et troquer ses bouteilles en plastique contre une gourde réutilisable sont autant d’efforts demandés désormais à tout un chacun. Il y a cependant un sujet où citoyens et agriculteurs doivent fournir le même travail : la lutte contre le gaspillage. Véritable fléau du monde moderne, gaspilleurs de villes et gaspilleurs de champs, quelle(s) différence(s) ?

Le gaspillage auquel nous sommes tous confrontés au quotidien, que l’on soit agriculteur ou chiropracteur c’est celui qui se joue chaque jour dans notre cuisine : le gaspillage alimentaire. Aujourd’hui, un Français jette en moyenne entre 25 et 30 kg d’aliments par an, pour près de 160 , soit un repas par semaine. Au total, nous gaspillons en France plus de dix millions de tonnes par an pour environ 16 milliards d’euros. Ce constat est le même dans tous les pays européens. Précisons que le gaspillage alimentaire commence bien en amont du panier de la ménagère : alors qu’en Europe, plus de 80 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, les quantités gaspillées de la chaine de production à la consommation oscillent entre 80 kg et 500 kg/personne/an. La France se situe à la 15ème place, avec près de 140 kg gaspillés. Paradoxe total, à l’heure où beaucoup ont du mal à nourrir leurs familles et à faire face à la crise, chaque point de distribution de l’Union Européenne jette près de 50 kg de nourriture par soir ! Pour contrer ce phénomène dramatique, la loi européenne a fixé un objectif de réduction de la production des déchets alimentaires de 30 % d’ici 2025, et à 50 % à horizon 2030. Mais l’Europe n’a pas le monopole du gaspillage alimentaire : chaque année dans le monde, 1,3 milliard de tonnes de nourriture encore comestible est gaspillée, ce qui représente environ 4 fois la quantité qui serait nécessaire pour nourrir les 795 millions qui en ont le plus besoin.

Mais sommes-nous entièrement responsable d’un tel gaspillage ? C’est un peu la faute de Dame Nature aussi en réalité. Hé oui, de nombreuses pertes sont malheureusement dues à des aléas naturels comme la sécheresse, les tempêtes ou les inondations. À cela s’ajoutent les pertes de denrées au stockage ou pendant le transport, du fait d’attaques de ravageurs, de mauvaises conditions d’aération… Les productions les plus pénalisées par ces gaspillages-là, sont les grandes cultures et l’élevage. Ainsi sur les 4 milliards de tonnes d’aliments qui devraient être produits annuellement, presque 2 milliards ne parviennent jamais dans une assiette.

Mais la Nature doit-elle être tenue responsable de tout notre gaspillage ? Que nenni. En France par exemple, un livre sur quatre est détruit sans avoir été lu ou même vendu, soit 142 millions d’ouvrages chaque année. Imaginez un instant les quantités d’arbres, d’énergie et d’eau utilisés pour faire de la pâte à papier… Pour rien ! Aujourd’hui, seuls 10 % des livres proviennent de la filière du recyclage. Les 90 % restants sont de plus en plus souvent fabriqués avec du papier importé, issu de forêts dont on ignore les modes de gestion. Près de la moitié vient du Brésil où le papier est fait avec des eucalyptus clonés, nécessitant beaucoup d’eau, issus de plantations immenses d’une seule essence qui réduisent la biodiversité. Et dans le domaine du gaspillage, les gaspilleurs des champs n’ont rien à envier aux rats de bibliothèque. Le cuivre par exemple, est utilisé en agriculture, y compris en agriculture bio, pour maitriser les dégâts causés par des maladies des cultures. Connu sous le nom commercial de bouillie bordelaise, sa réhomologation est actuellement à l’étude au niveau européen. Pourtant, selon des études relatives aux ressources prouvées, les réserves en cuivre ne permettraient désormais de couvrir les besoins mondiaux que pendant 38 ans (ordre de grandeur similaire à celui des réserves pétrolières). Il y a donc dans nos champs aussi une nécessité absolue de limiter ses divers emplois et de réduire les doses en attendant de pouvoir s’en passer (d’autant que l’excès de cuivre dans le sol peut être source de pollution).

Finalement, entre gaspilleurs de champs et gaspilleurs des villes, aucune différence mais une même sonnette d’alarme, il faut agir et vite. Heureusement, la lutte contre le gaspillage est à la portée de tous ! Un rapport a montré que le gaspillage alimentaire par exemple, peut être résorbé dans sa quasi-totalité (de 30 à 50 %) par des mesures simples : améliorer les chaînes logistiques, sensibiliser les consommateurs, changer les pratiques de consommation… Lutter contre le gaspillage, c’est lutter contre l’inutile, en maitrisant mieux nos ressources terrestres, aquatiques et énergétiques introduits dans la production, la transformation et la distribution. Alors, prêt pour le changement ?

Sources

(1)- En France, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a estimé à 6,5 millions de tonnes (Mt) les déchets alimentaires produits au sein des ménages, sur un total de 10 Mt. 2,3 Mt sont attribués à la distribution et 1,5 Mt à la restauration collective et commerciale

(2) -Loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Une première dans le monde ! La loi impose aux supermarchés de donner, soir après soir, tous leurs invendus encore consommables à l’association de leur choix.

(3) – Source: From Kyoto to Milan, Barilla Center for Food & Nutrition, Novembre 2013.

(4) – Rapport Global Food ; Waste Not, Want Not

(5) Club des bioéconomistes