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Comment la betterave a-t-elle conquis Napoléon?

Vous lecteurs qui n’êtes pas nés du dernier clic le savez, la betterave et son sucre ont leur place depuis longtemps sur le blog de l’agriculture expliquée par ceux qui la connaissent. Mais aujourd’hui, nous avons eu envie de vous faire découvrir une petite histoire dans la grande, celle du jour où la betterave conquit le cœur de l’empereur Napoléon. Prêt à remonter le temps ?

Tout commence en 1806, année où les Anglais quelque peu excédés par les accès de belligérance de notre heu … disons… très ambitieux dirigeant corse, décident d’imposer à la France un blocus commercial. Ni une, ni deux, Napoléon riposte et instaure le 21 novembre un blocus continental, qui boute hors de France en un décret tous les produits anglais, dont le sucre de canne antillais. Et c’est précisément ici que commence l’histoire de notre conquérante betterave.

Notre Beta vulgaris était déjà en réalité dans le collimateur des botanistes, chimistes, pharmaciens et autres agronomes depuis un sacré bout de temps. Dès la fin du 16ème siècle, le célèbre Olivier de Serres (considéré comme le père de l’agronomie française) observe en effet que cette « racine fort rouge » rend en cuisant un jus « semblable à un sirop de sucre (…) très beau à voir pour sa vermeille couleur. » Commence alors une course au défi agronomique et économique : transformer la betterave en sucre… et donc en or.

En 1747, un Allemand, Andreas Sigismund Marggraf, réussit à extraire le sucre de la betterave mais c’est son élève, le professeur Achard, qui en 1802 crée la première fabrique de sucre de betteraves au monde à Kürnen-sur-Oder en Silésie. Sa production reste cependant artisanale avec 2 kg de sucre pour 70 kg de betteraves traités par jour.

Dix ans plus tard et beaucoup plus loin, dans une raffinerie de sucre de canne de Passy, Benjamin Delessert, jeune botaniste et industriel français, parvient enfin le 2 janvier 1812 à mettre au point une technique de fabrique industrielle de sucre de betterave avec l’aide de l’un de ses ouvriers, J-B. Quéruel. Après des années de travail, ils n’attendent pas plus longtemps pour informer le ministre Chaptal qui avertit aussitôt l’Empereur. Napoléon, ravi, s’écrit : « il faut aller voir cela, partons ». Après avoir constaté par lui-même les résultats obtenus, Napoléon 1er s’approche de Benjamin Delessert, détache la croix de la Légion d’Honneur qu’il porte sur la poitrine et la lui remet. Il y a de pires façons de commencer l’année, n’est-ce pas Benjamin ? Ensuite ? Ensuite, tout va très vite, comme toujours avec l’empereur.

Mettant de côté les recommandations des scientifiques et l’avis du célèbre Parmentier, Napoléon Ier lance un vaste programme accordant 100 000 arpents de terre à qui voudrait cultiver la betterave sucrière. Mieux, il s’engage à subventionner les recherches des industriels, délivre 500 licences pour la fabrication du sucre de betterave et crée 5 écoles de sucrerie.
Résultat, bien qu’à la fin du blocus, le sucre de canne fit sa réapparition dans l’Hexagone, il ne la fit jamais dans nos cœurs, et son prix prohibitif dû à l’abolition de l’esclavage en 1848 l’a tenu bien éloigné de nos tasses.

Au fil du temps, la construction de grosses unités de production, les améliorations techniques et la sélection des betteraves firent le reste. Aujourd’hui, l’Europe a une production de 120 millions de tonnes de betterave qui produisent à leur tour 16 millions de tonnes de sucre blanc, et assure 90% de ses besoins. Comme quoi il vaut mieux conquérir Napoléon… que le contraire !