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Histoire de plantes : le lin

Permission d’être fleur bleue accordée, vous allez découvrir au fil de ces lignes l’histoire d’une jolie plante qui ne fait pas son âge, le lin. Ne laissez pas ses pétales azurs vous en compter, la belle des champs est millénaire. Asseyez-vous, attachez votre ceinture, Résonnances vous fait voyager dans le temps en charmante compagnie.

Tout commence sur les rives du Nil, de l’Euphrate et du Tigre, baignées de soleil et d’histoire où le lin voit le jour à l’aube des 1ères civilisations. Présente sur d’innombrables sites archéologiques en Mésopotamie, en Assyrie et en Egypte, elle est l’une des 1ère plantes cultivées. À l’origine, le lin était sauvage et comptait près de 200 espèces, qui pour la plupart, existent toujours de nos jours. Il fut domestiqué et transformé par les civilisations anciennes en plante annuelle dont sont issues les variétés cultivées aujourd’hui. Si sa fibre est utilisée par les hommes depuis plus de 10 000 ans, c’est sous l’Egypte des pharaons et son influence rayonnante que son usage se démocratise : vêtements, tissus funéraires, voiles, cordages, filets… Sous le soleil de Râ, sa production attestée date de plus de 6000 ans et ce n’est pas Néfertiti qui dira le contraire.

C’est sur les bateaux phéniciens, infatigables navigateurs, que le lin traverse la Méditerranée et arrive sur le continent européen. La plante aux 50 nuances de bleus fait son entrée à la cour de France avec Charlemagne (début du IXème siècle) et son utilisation se popularise dès le XIème siècle. Nul besoin de fouiller d’anonymes vestiges du passé pour trouver une preuve de son existence en France : la tapisserie de la reine Mathilde à Bayeux en fait foi de la plus majestueuse des façons. Au XIIIème siècle, le lin est cultivé dans les Flandres, en Bretagne et en Anjou mais c’est au XVIIème que son utilisation atteint son apogée et se décline en toile fine de Cambrai, en dentelles d’Alençon, en blouse, en chemise, en mouchoir…

Le lin est alors cultivé sur plus de 300 000 hectares pour une production de 600 kg de fibres par hectare. Mais lors de leur exil, suite à la révocation de l’édit de Nantes, les Huguenots ont emporté avec eux ce savoir-faire linicole, ce qui fit décliner l’industrie du lin et encouragea les importations de coton.

Continuons à remonter le temps pour découvrir l’innovation qui a transformé le nord de la France en capitale des filatures industrielles européennes : nous sommes à l’aube du XIXème siècle et la machine à filer le lin vient d’être inventée. Si cette invention fit les beaux jours des nordistes, elle sonna aussi le glas de la liniculture chez de nombreux cultivateurs. En effet, l’industrialisation galopante nécessita de très gros volumes que la production hexagonale ne peut alors fournir ; venu à la rescousse des filatures, le coton importé fait donc chuter la culture de lin qui tombe à 20 000 hectares en 1945. Ce n’est qu’après-guerre que des agriculteurs belges installés en France relancent sa culture. Aujourd’hui, elle peut atteindre 75 000 hectares et produire 75% du lin mondial. Trêve de tapisserie, notre fleur bleue hexagonale joue maintenant dans la cour des grands.

Aujourd’hui, le lin est cultivé en Normandie, en Picardie, dans le Nord-Pas de Calais et dans l’est de l’Ile de France, régions qui lui offrent les conditions dont il a besoin pour s’épanouir : des températures modérées et des terres profondes. Une vingtaine de coopératives et d’entreprises récupèrent les pailles de lin pour en extraire ses précieuses fibres que l’on retrouve (ainsi que tous les composants de la plante) dans de très nombreux produits du quotidien : textile, voile non tissée, papier fin, isolation… Les canadiens quant à eux cultivent le lin pour l’huile issue de ses graines, prisée dans le monde entier pour sa richesse en omega 3. Ils en exportent chaque année entre 720 et 930 000 tonnes.

Plante millénaire éternellement fleur bleue, le lin a habillé les plus grands de ce monde et fleurit maintenant chaque année pour nous, davantage sur les rives de la Seine que sur celles du Nil.

Sources : François Bert (Arvalis Institut du Végétal), Cipalin (Comité Interprofessionnel de la production du lin).