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Histoire de plantes : le maïs

Quand Christophe Colomb débarque en 1492 sur les côtes du nouveau monde, il découvre que sur ce continent inconnu, l’or pousse dans les champs. Plante sacrée des amérindiens depuis des millénaires, le maïs s’apprête à son tour à faire la conquête de l’Europe. C’est l’histoire de ce végétal singulièrement lié à celle de notre civilisation que le blog de l’agriculture expliquée par ceux qui la connaissent vous raconte aujourd’hui.

Au début était la téosinte née sur les hauts plateaux du Mexique, une forme primitive de maïs dont les plus anciens vestiges connus datent de 6700 avant J-C. Cette plante fourragère est morphologiquement différente du maïs tel qu’on le connaît de nos jours : chaque grain donne naissance à de nombreuses tiges (talles), portant plusieurs petits épis de 6 à 8 grains soudés les uns aux autres. Les archéologues situent le début de sa domestication aux alentours de 3000 avant J-C. Récolte après récolte, les agriculteurs ont sélectionné les téosintes réunissant des critères précis : écorces des graines moins dures et donc aptes à être consommées, graines ne tombant pas au sol avant la récolte et plantes portant un ou deux épis. Ces mêmes cultivateurs ont également adapté progressivement le maïs à tous les climats du continent américain, des basses terres tropicales aux vallées aux hauts plateaux de 4000 mètres d’altitude, en passant par les îles Caraïbes et le Canada.

L’histoire du maïs en Amérique n’est pas seulement celle d’une plante domestiquée par les hommes. C’est un végétal sacré, profondément lié à la mythologie et aux pratiques culturelles et artistiques des civilisations amérindiennes. Les légendes ancestrales racontent qu’il a été offert aux hommes par les dieux : au début des temps, le soleil aurait explosé avant de déverser sur terre une pluie de grêlons dorés, les premiers grains de maïs. Au Mexique, les Mayas (dont le nom signifie « gens du maïs ») et les Aztèques lui vouent ainsi un culte jusqu’à l’arrivée des conquistadores espagnols qui l’assimilent à du paganisme.

En Amérique du Nord, pour les Hopis, Cheyennes, Mohawks et Iroquois, le maïs est aussi une plante sacrée. Une légende Cherokee parle de trois sœurs qui symbolisent les trois plantes nourricières des indiens, le maïs, le haricot et la courge. Les colons qui chassèrent ces peuples de leurs territoires ne réservent pas le même statut au maïs. Bien que les peuples fussent sauvés par lui des famines de 1622 et 1623, il faudra attendre plusieurs générations pour qu’ils lui accordent ses lettres de noblesse. Difficile d’imaginer aujourd’hui en voyant la place du maïs dans la culture, l’alimentation et l’économie américaine, que Georges Washington, lui-même cultivateur, réservait à ses hôtes un pain de froment auquel il ne touchait pas.

À partir de 1492 débute l’aventure européenne. Le maïs va alors se faire traiter de tous les noms : blé d’Espagne, blé de Turquie, blé Sarrasin, blé d’Inde et même turquis en patois bressan. C’est par les voies du commerce que le maïs commence sa conquête du vieux continent, en débutant par les Açores, l’Espagne, le Portugal et les ports méditerranéens, après un long voyage dans les cales des conquistadores. Ce n’est que la première étape d’un périple mondial qui l’emmène ensuite à Rome en 1539, en Turquie, en Afrique et jusqu’en Asie. À partir du XVIème siècle, il continue son extension en Bulgarie, Roumanie, Serbie, Hongrie et en Autriche avant d’atteindre au XVIIIème les Balkans, l’Ukraine, la Russie et enfin la Sibérie. En France, en Béarn ou Pays Basque, le premier texte mentionnant du maïs date de 1523.

Loin, très loin de sa réputation de plante sacrée, elle est alors une culture vivrière destinée à l’alimentation des animaux dans les fermes. Ce n’est qu’à la faveur des pénuries alimentaires que va connaître le pays, que le maïs passe des auges aux étals de nos marchés. Au cours du XVIIème et XVIIIème siècles, l’épi yankee a le vent en poupe chez les savants et les agronomes. Ainsi en 1600, dans son traité d’agronomie, Olivier de Serres préconise la culture de ce « gros grain de Turquie », tout comme Antoine Parmentier, pour la non moins américaine pomme de terre. C’est sous leur influence que le maïs passe du statut d’aliment de famine à aliment de soudure, notamment sous forme de bouillies et galettes : milhàs occitane, cruchade landaise, gaude bressane ou polenta italienne…

Petit à petit, l’épi fait son nid en Europe dans nos recettes et dans les limites climatiques favorables à sa croissance. Le maïs nécessitant des agriculteurs aux petits soins et une main d’œuvre importante, c’est la céréale des petites exploitations. Si elle est signalée en Haute-Marne (1810), en Seine-et-Oise, en Seine-et-Marne, en Oise et en Bretagne (milieu du XIXème), sa culture ne dépasse pas ou peu la ligne allant de la Vendée à l’Alsace et son fief demeure le Sud-Ouest de la France où beaucoup d’agriculteurs de petites exploitations familiales se spécialisent dans cette culture. Avec l’arrivée des hybrides américains du plan Marshall en 1948, les producteurs testent ces nouveaux maïs qui leur permettent de doubler leurs récoltes. Mais sous l’impulsion d’un béarnais visionnaire, Louis Bidau, producteurs et scientifiques se lancent le défi de créer et produire des variétés de maïs hybride en France.

En 1946, l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), créé pour « nourrir la France », propose aux producteurs dès 1957 les premières variétés hybrides adaptées aux conditions climatiques des exploitations du nord de la Loire. Elles provenaient de croisement entre les maïs américains et une très ancienne population française, « redécouverte » à Lacaune, sur les monts du Haut-Languedoc.

C’est alors que les cultures du maïs grain et du maïs fourrage s’étendent à la France de l’ouest et du nord. Utilisé comme fourrage sur pied, distribué en vert et conservé en fourrage fermenté en silo assurant un stock hivernal pour les troupeaux, c’est le début de la révolution fourragère des années 1960 et 1970. Cette révolution s’illustre également par une meilleure valorisation de l’herbe avec la création de nouvelles prairies semées, l’arrivée des prairies temporaires et le développement des surfaces de maïs fourrage.

Muse, divinité, globe trotteuse, plante nourricière… Si l’histoire du maïs raconte si bien la nôtre, c’est grâce à son incroyable capacité d’adaptation aux climats et aux sols. Grâce à ses qualités, il nourrit les animaux, les hommes et les légendes depuis des millénaires et sur tous les continents. Et quelque chose nous dit que son histoire n’est pas prête de s’arrêter là.