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La France, une zone protégée ?

Feu notre passé de chasseur-cueilleur vivant dans d’inhospitalières grottes humides. La conquête du territoire par l’homme commença réellement le jour où nous sommes devenus de fiers cultivateurs. Hé oui, si de tous temps, notre priorité a été de se sustenter à notre faim, depuis le jour où nous avons maitrisé les végétaux et élevé les animaux, un bras de fer a commencé entre Dame Nature et nous. Pour gagner en espaces cultivables, nous avons depuis le Moyen-âge jusqu’au milieu du XIX siècle fait reculer les forêts, disparaître des bosquets, drainer des zones humides et même marché sur la mer comme dans la région des polders. Et au cours des dernières décennies nous avons laissé l’urbanisation manger des terres agricoles et nous avons nous-mêmes adopté un mode de vie de plus en plus polluant pouvant entamer notre capital santé si durement sécurisé au cours des siècles par la production de denrées alimentaires. La boucle serait-elle en train de se refermer ?

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Dorénavant, grâce aux progrès de l’agronomie et de la technologie, la peur de manquer de nourriture n’est plus un problème dans le monde occidental et donc en France. L’homme d’aujourd’hui a de nouveaux défis à relever : la préservation de la biodiversité et l’adoption d’un mode de vie plus écologique pour préserver la planète.

Mais alors la France est-elle devenue une zone protégée ?

Différentes zones délaissées ou parfois détériorées au cours des siècles sont désormais protégées par de nouvelles réglementations pour mieux participer au rééquilibrage de la biodiversité.

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– Les zones tampon. Ces espaces contigus aux champs cultivés généralement occupés par une végétation permanente et dense ont un rôle de tampon comme leur nom l’indique entre les cultures et la nature environnante (en particulier le long des cours d’eau). Ces zones servent de « filtres » et limitent le ruissellement de l’eau protégeant ainsi entre autres, la qualité de l’eau et préservant la biodiversité.

– Les zones humides. Baies, deltas, estuaires, étangs, lagunes, vasières, tourbières, marais, landes, prairies inondées, salines, rives de lacs et de rivières, mangroves (aux Antilles)… Les zones humides sont aussi diverses que riches d’une biodiversité capable de rendre de grands services à l’homme. Elles jouent ainsi le rôle de réservoir alimentaire, d’épuration de l’eau, de ralentisseur des écoulements à l’origine des crues mais aussi d’aimant touristique… Façonnées par l’eau et sa dynamique, ces espaces abondent en matières minérales et organiques et fourmillent de vie. Pour préserver ces zones humides, un traité intergouvernemental a été ratifié à la convention de Ramsar en 1971 en Iran. Il a pour objectif d’enrayer leur disparition, favoriser leur conservation et valoriser les sites exemplaires en matière de gestion durable en leur attribuant le label Ramsar. La France a adhéré à ce traité en 1986. En 2011, près de 36 sites Ramsar avaient été créés, soit 3 millions d’hectares de zones humides classées.

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– Les zones sensibles. Ces espaces aquatiques périurbains sont constitués de masses d’eau superficielles particulièrement sensibles aux pollutions et dont la préservation de la biodiversité est directement menacée. La nécessité de préserver le milieu aquatique et les usages qui s’y rattachent justifie donc la mise en œuvre d’un traitement plus rigoureux par l’assainissement des eaux résiduaires urbaines des agglomérations de plus de 10 000 habitants. La liste de ces zones sensibles est revue tous les 4 ans.

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– Les zones vulnérables. Désignées comme vulnérables à la pollution diffuse par les nitrates d’origine agricole, ces zones peuvent concerner des eaux souterraines ou des eaux douces superficielles. Elles servent au captage d’eau destinée à la consommation humaine, mais atteintes par la pollution, leur teneur en nitrate est supérieure à 50 mg/l. Des mesures agronomiques sont imposées aux agriculteurs pour restaurer les teneurs souhaitées. De grands progrès ont déjà été constatés dans ce domaine. Il peut aussi s’agir des eaux des estuaires, côtières ou marines ayant subi une eutrophisation*susceptible d’être combattue de manière efficace par une réduction des apports azotés et des fuites de phosphates (gestion des lisiers).

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– Les zones soumises à des contraintes naturelles. Auparavant appelées «zones défavorisées», leur nouvelle délimitation repose sur 8 critères, valables dans tous les Etats membres, proposés par la Commission européenne dans le cadre de la PAC**.Il s’agit des températures basses, un excès d’humidité des sols, un drainage des sols limité, une texture et une piérosité défavorables, une faible profondeur d’enracinement, des propriétés chimiques médiocres et une pente forte. Elles peuvent correspondre à des zones de montagne, des sols caillouteux, des marécages, etc. Pour qu’un agriculteur puisse bénéficier des aides correspondantes, il faut que 66% de sa surface agricole utile remplissent au moins l’un des 8 critères.

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– Les zones de protection et de conservation. Le réseau Natura 2000 rassemble des sites naturels ou semi-naturels (terres et mers) de l’Union européenne ayant une grande valeur patrimoniale, par la faune et la flore exceptionnelle qu’ils contiennent. L’objectif est de maintenir la diversité biologique de ces milieux, tout en tenant compte des exigences économiques, sociales, culturelles et régionales dans une logique de développement durable. En France, 781 sites sont concernés. Natura 2000 s’appuie sur l’application des directives Oiseaux et Habitats, adoptées respectivement en 1979 et 1992 pour donner aux États membres de l’Union européenne un cadre commun d’intervention en faveur de la préservation des espèces et des milieux naturels. C’est donc la réunion des deux directives qui doit permettre la création du réseau : zone de protection spéciale (ZPS) pour les oiseaux et zone spéciale de conservation (ZSC) afin de protéger les sites et habitats naturels.

– Les zones de densité homogène (ZDH). Il s’agit d’un espace de prairie permanente présentant une densité homogène de « petite surface non agricole» que l’on appelle le prorata (par exemple, l’affleurement de rochers nus). Ainsi, le prorata inférieur à 10 %: la totalité de la parcelle en prairie sera admissible (c’est-à-dire que les aides s’appliqueront à toute la surface). De 10 à 30 : 80 % ; de 30 à 50 % : 60 % ; de 50 à 80 : 35 %. Les ZDH supérieures à 80 % induiront une non admissibilité de la totalité de la zone concernée.

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– Les zones prioritaires pour la biodiversité. Introduites par la loi sur la biodiversité du 20 juillet 2016, elles permettent la mise en place de pratiques agricoles favorisant la conservation d’une espèce sauvage en voie d’extinction. Dans un 1er temps, une zone d’application correspondant à l’aire géographique de l’espèce concernée et un programme d’actions en faveur de celle-ci et de la maîtrise de son habitat sont définis. Si à l’issue de la date d’application fixée par décret, les mesures contractuelles n’ont pas permis de préserver l’espèce, elles peuvent devenir obligatoires.

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– Les zones d’intérêt écologique (SIE). Dans le cadre du « paiement vert » (certaines aides européennes), un exploitant doit maintenir ou établir des surfaces d’intérêt écologique (SIE) sur l’équivalent de 5% de sa surface en terres arables ; à cette surface en terres arables s’ajoute, le cas échéant, la surface des SIE hors terres arables. Une liste des éléments considérés comme SIE a été arrêtée (il s’agit par exemple des linéaires le long des bois, des haies, de murets, la présence d’arbres ou de mares, etc.). Pour chaque type de SIE, un critère d’équivalence en surface a été défini, mais certaines exploitations, sous conditions, peuvent échapper à ce critère.

– Les zones non traitées (ZNT). Elles concernent l’application des produits phytosanitaires en bordure de points d’eau. Leurs largeurs sont définies pour un usage d’un produit spécifique. Ces espaces ne doivent recevoir aucune application directe, par pulvérisation ou poudrage, de ce même produit. En effet, bien que la majorité des pesticides soient peu volatiles, les ZNT protègent des entités (eaux de surface, plantes et insectes non ciblés) des contaminations dues à la dérive de pulvérisation.

– Le dispositif végétalisé permanent (DVP). Cette surface sert à protéger les eaux de surface et les organismes aquatiques de la contamination pesticide par ruissellement. Il s’agit d’une zone, de largeur définie (5 ou 20 mètres), recouverte de façon permanente de plantes herbacées (dispositif herbacé) pouvant comporter, sur au moins une partie de sa largeur, une haie arbustive continue par rapport au point d’eau (dispositif arbustif).

Pour résumer, si aujourd’hui les zones cultivables perdent du terrain dans l’hexagone en raison de l’urbanisation, les agriculteurs français ont également un rôle primordial à jouer dans la révolution écologique en destinant des surfaces à ce nouvel objectif. La nécessité de produire, rend les surfaces consacrées à l’agriculture particulières du point de vue écologique, mais dans un souci de durabilité, c’est une multitude de zones particulièrement bien protégées qui viennent prendre place à côté, afin de répondre aux exigences de la législation nationale et internationale.

*L’Eutrophisation correspond à un phénomène de dégradation d’un environnement aquatique avec la prolifération d’algues favorisées par la combinaison de plusieurs facteurs : teneurs en nitrates, teneurs en phosphates et réchauffement de l’eau.

**PAC : Politique Agricole Commune