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Les abeilles tombent-elles comme des mouches ?

Fidèles lectrices et lecteurs du blog de l’agriculture expliquée par ceux qui la connaissent, vous l’avez lu juste ici, la vie d’abeille ce n’est pas du gâteau. En plus d’un quotidien qui rime avec boulot, boulot, boulot, nos bourdonnantes travailleuses bien loin des 35 heures connaissent un taux de mortalité qui ne fait qu’augmenter. Alors, pourquoi les abeilles tombent-elles comme des mouches, scrollez vite pour découvrir un article qui va faire le bzzzzzz.

Alors que les heures ensoleillées et les températures clémentes du printemps et de l’été font les beaux jours des ruches et de ses abeilles qui butinent de fleur en fleur en se dorant les rayures, les temps bas d’automne, les jours froids d’hiver et les printemps pluvieux ne leur réussissent pas. Hé oui, pas question de sortir récolter du nectar dans le froid, sous la pluie et quand il n’y a pas de floraison en cours ! Or, une colonie d’abeilles au chômage technique est une colonie qui ne remplit plus son frigo, doit se serrer la ceinture et risque même… de disparaitre. Pendant ces mois difficiles, la ruche vit au ralenti sans pour autant rentrer réellement en hibernation. Pour préparer cette période difficile, l’apiculteur évalue les réserves de la ruche avant l’hiver et apporte si nécessaire un complément alimentaire à ses insectes préférés.

Mais depuis un peu plus de vingt ans, on observe des taux de mortalités dans les colonies en nette augmentation. Alors que dans le passé, le taux hivernal de perte d’abeilles acceptable était de 8 à 10%, certains apiculteurs déplorent désormais des pertes annuelles dépassant fréquemment les 20%, voire les 30%. À qui la faute ? Beaucoup de facteurs sont co-responsables,  le 1er d’entre eux étant la voracité des prédateurs.  Hé oui, le miel, la chaleur et les abeilles attirent les convoitises d’une meute inquiétante : les prédateurs. Variés, nombreux et parfois très agressifs, leur existence et leur importance fluctuent selon les régions et les années. L’ANSES évalue à 29 le nombre d’agents pathogènes et prédateurs de l’abeille.  Parasites, champignons, bactéries ou virus, ils agissent parfois simultanément et multiplient les dégâts. À l’échelle européenne, ces mortalités hivernales sont plus élevées dans le nord (Scandinavie, Royaume-Uni, Belgique) avec des niveaux situés entre 23 et 33% que dans le sud de l’Europe (Grèce, Italie, Espagne). Mais comment expliquer ces niveaux plus faibles également observés en Amérique du sud, Australie et Afrique du sud ? Un mot suffit : varroa. Ce petit acarien qui se fixe sur les larves d’abeilles et peut également leur transmettre plusieurs types de virus, représente incontestablement une menace de premier plan pour les ruches ! Ce « serial killer » des colonies est moins présent dans les régions du sud et les races d’abeilles locales africanisées se défendent mieux face à ce parasite redoutable. 

Cependant, il ne faut pas tout mettre sur le dos du varroa. D’autres causes peuvent expliquer l’augmentation récente du taux de mortalité hivernale des colonies. L’insuffisance de nourriture et les carences nutritionnelles en raison de trop faibles stocks accumulés pour passer la mauvaise saison peuvent être une autre raison de ces disparitions, lorsqu’elles ne sont pas compensées par l’apiculteur. Les intoxications chimiques peuvent elles aussi être des sources potentielles de mortalité, notamment lors de traitements non appropriés avec des pesticides ou à cause d’effets sublétaux*, une hypothèse suggérée par plusieurs chercheurs. Cependant, aujourd’hui aucune étude en conditions réelles ne permet de désigner les pesticides comme principaux facteurs responsables. D’ailleurs, la communauté scientifique est d’accord sur un point : la, ou plus exactement les mortalités anormales de colonies d’abeilles sont dues à des causes multifactorielles. Les aspects sanitaires, alimentaires et hygiéniques des ruches peuvent par exemple interférer entre elles et avec les pesticides utilisés en agriculture, ce qui explique que malgré le retrait de plusieurs insecticides, la situation de nos petites ouvrières à rayures ne s’améliore pas d’une façon significative.

Heureusement pour nos courageuses butineuses et nos tartines qui n’auraient pas la même saveur sans leur miel, les agriculteurs sont attentifs et adoptent des pratiques respectueuses de ces insectes auxiliaires en prenant au sérieux les pratiques apicoles. En effet, le meilleur remède qui existe aujourd’hui c’est l’écoute, le partage et la solidarité entre apiculteurs et agriculteurs qui ont d’ailleurs même parfois les deux casquettes !

Sources

Acta – Axel Decourtye; Icko, le blog  ; FAO_ 27 janvier 2006 ; Ministère de l’agriculture
 La vie secrète des abeilles_pdf_Canada : www.ticedu.uqam.ca/pub/Travaux/MG/EPEP/Aut08/Gr20/A-FPE3650…/abeille.pdf 
La santé des abeilles, Cérès, Fiche thématique N°14, février2012 ; Abeilles : le miel des médias ? André Fougeroux, Idées reçues et agriculture, Parole à la science, Presses des Mines, 2018.
INRA Dossier de Presse “Les chercheurs volent au secours des abeilles”
ANSES Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

*Les effets sublétaux produisent des effets néfastes qui sur le long terme conduisent à la mort de l’abeille. La molécule ne fait pas mourir directement l’abeille mais affecte son comportement et sa physiologie.