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Les biocarburants sont-ils vraiment bons pour la planète?

Nous en parlions dernièrement juste ici, les biocarburants sont une source d’énergie verte qui fait de plus en plus rouler la planète. Mais justement, ces derniers sont-ils si bons pour l’environnement ? Quel est le bilan carbone de ces concurrents du carbone fossile? Aujourd’hui le blog de l’agriculture expliquée par ceux qui la connaissent répond à la question qui anime les pauses-cafés sur les aires d’autoroute : les biocarburants sont-ils vraiment bons pour la planète?

À l’heure actuelle, les transports sont responsables de près de 15% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (25% dans l’Union Européenne). Hormis les réseaux ferroviaires, tous ces moyens de transport fonctionnent avec des énergies fossiles à base du pétrole : leurs moteurs thermiques tirent leur énergie de la transformation du carbone fossile et rejettent dans l’atmosphère CO2 et particules fines. Bonus non écologique : ces dernières émanent aussi des organes roulants (pneus) ou mécaniques (freins)! Seuls concurrents de ces énergies fossiles à la pompe à essence, les biocarburants de première génération, issus de plantes de grandes cultures, sont actuellement utilisés en Europe à hauteur de 7% selon la réglementation européenne. La Cop 21 quant à elle, a fixé à 15% leur usage d’ici 2030. Mais alors, ces énergies renouvelables sont-elles vraiment écolos et si oui, pourquoi leur usage est-il plafonné?

Pour répondre à ces deux questions, il faut d’abord s’intéresser au bilan carbone des énergies renouvelables. Nos lecteurs les plus assidus le savent déjà, l’agriculture, aussi raisonnée soit-elle a toujours un impact écologique et la production des biocarburants n’échappe pas à la règle. En matière d’impact sur les émissions de gaz à effet de serre et de dépenses énergétiques, il faut systématiquement tenir compte du fait que les plantes dont les biocarburants sont issus utilisent l’énergie solaire et captent du gaz carbonique pendant leur croissance tout en l’accumulant dans leurs racines, leurs tiges et dans les sols. On doit donc raisonner en termes d’analyse du cycle de vie de ces plantes, c’est à dire prendre en compte l’ensemble des éléments impliqués depuis la mise en terre de leurs graines jusqu’à leur arrivée, une fois transformées, dans les moteurs de nos voitures. Il faut pour cela comptabiliser ce que l’on appelle l’énergie grise : l’énergie et les gaz à effet de serre mobilisés pendant la production agricole et la fabrication, les transports, les engrais, les pesticides, le matériel agricoleDifférents écobilans ont été réalisés par des organismes indépendants selon une méthodologie reconnue et validée par l’ADEME et leurs résultats sont sans appel! Les biocarburants de première génération affichent de très bonnes performances énergétiques, sans comparaison possible avec celles des carburants fossiles, qui sont, elles, systématiquement négatives. Mieux, les bilans carbone des biocarburants sont tout aussi performants que leurs bilans énergétiques, car leur utilisation réduit de manière substantielle les rejets nets de gaz à effet de serre ; de la graine à la roue :

  • réduction de 71 % des gaz à effet de serre (par rapport à l’essence) pour l’éthanol de betterave à sucre, de blé ou de maïs (source ePURE : bioéthanol produit en Europe en 2018)

  • et réduction de 60 à 70 % des gaz à effet de serre (par rapport au gazole) pour le biodiesel de colza.

De plus le bioéthanol permet de réduire fortement les émissions de particules fines. L’étude suisse du Professeur Czerwinski publiée en décembre 2017 a montré que le Superéthanol-E85 permettait de réduire de 90% les émissions de particules fines par rapport à l’essence. Depuis le 1er janvier 2018, selon la directive européenne, pour être certifié durable un biocarburant doit permettre de réduire de 65% les émissions de gaz à effet de serre. Pour l’instant, une étude relatée par la Tribune rapporte que 100 % des biocarburants français sont certifiés durables, tandis que parmi les 28 pays analysés, l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande, les Pays-Bas et la Lituanie n’ont pas encore atteint ce niveau d’excellence. Mais devant tous ces bons résultats, notre deuxième question s’impose : si ces biocarburants sont si écolos, pourquoi leur usage est-il plafonné ?

La raison invoquée par les autorités est celle de la nécessité de conserver un équilibre dans l’affectation des terres destinées à l’alimentation et celles destinées à la production d’énergies renouvelables. Or actuellement, ces dernières ne couvrent qu’à peine 1% de la surface cultivée dans le monde. Ce pourcentage tombe même à 0,7 % en « équivalent cultures non-alimentaires » si on tient compte du fait que les coproduits protéiques issus de la fabrication de biocarburants (tourteaux d’oléagineux, pulpes de betteraves…) sont utilisés pour nourrir les animaux. À titre de comparaison, les surfaces consacrées aux biocarburants dans le monde sont du même ordre de grandeur aujourd’hui que celles dévolues au coton. En France par exemple, la production de bioéthanol de céréales et de betteraves mobilise 0.7% de la surface agricole utile (source : SNPAA). Ces quelques chiffres montrent que le problème est donc loin d’être crucial pour l’instant même s’il est nécessaire d’en anticiper l’évolution.

On peut toutefois s’interroger sur le bien-fondé de l’ampleur de cette anticipation et de ce contrôle au regard de deux phénomènes. Il faut d’abord garder à l’esprit que la déprise agricole à destination de l’urbanisation et du bétonnage est un phénomène permanent (perte annuelle de 60 000 ha) bien plus préoccupant que le développement des biocarburants à l’échelle de l’Europe ou de la France. Il faut ensuite se souvenir qu’historiquement, avant l’avènement de la motorisation, jusqu’à 20 % des surfaces cultivées étaient réservées à la production de nourriture pour les animaux de trait – les biocarburants de l’époque – ce qui est toujours le cas d’ailleurs pour des millions de paysans dans le monde… Ainsi par exemple en 1900, les surfaces cultivées en avoine destinées aux chevaux atteignaient 6 millions d’hectares en France avant de chuter 150 000 ha à l’arrivée de la mécanisation. L’impact du développement de la production de biocarburants sur la sécurité alimentaire doit être ainsi pour le moins relativisé. Comme le déclarait le directeur général de la FAO, José Graziano da Silva, en janvier 2015 : « Il faut passer du débat nourriture contre carburant au débat nourriture et carburant.»  Le débat qui agite encore certains milieux porte essentiellement sur les changements indirects d’affectation des sols. En clair si on importe trop massivement des biocarburants de pays qui détruisent leurs forêts pour satisfaire nos besoins en énergies renouvelables, le problème peut se poser, comme il se pose aussi pour l’artificialisation des sols. Il faut garder à l’esprit que nous ne visons en France et en Europe qu’une utilisation limitée de biocarburant et que nous misons pour nos déplacements sur un bouquet énergétique : biocarburant, électricité et hydrogène, et aussi bien-sûr les transports collectif…

Bilan de nos bilans carbone et politique : nous pouvons conclure en affirmant que oui, les biocarburants sont vraiment bons pour la planète ! Ne reste plus aux autorités qu’à se défaire d’une certaine frilosité pour qu’ils prennent enfin la place qu’ils méritent dans les moteurs de nos voitures !

Sources : Ademe, club des bioéconomistes, SNPAA