Google+
Google+
Google+
header

Peut-on faire du blé avec des semences ?

Comme nous vous l’expliquons ici, les agriculteurs ont depuis plusieurs générations maintenant renoncé au monopole de la production de semences. Bien qu’à l’initiative de la création de ce marché alternatif, les agriculteurs ont-ils fait une affaire en laissant la main aux semenciers professionnels ? Le business des semences rapporte-t-il du blé et les cultivateurs s’y retrouvent-ils au bout du compte ? Le blog de l’agriculture expliquée par ceux qui la connaissent mène l’enquête pour vous.

Les agriculteurs payent-ils pour s’offrir le fruit d’un savoir-faire qu’ils possèdent déjà ? En effet, l’amélioration des qualités héréditaires du blé est presque aussi vieille que sa culture. Les paysans n’ont donc pas attendu le 20ème siècle, ses biotechnologies et les semenciers professionnels pour sélectionner les meilleures graines des épis les plus fournis et les semer dans leurs plus belles parcelles. Ces pratiques d’amélioration transmises de génération en génération de cultivateurs sont d’ailleurs l’unique facteur de progression de la productivité et de la diversité des blés cultivés dans le monde jusqu’au début des années 1800.

Ces différentes variétés, comparables aux races des animaux, étaient à l’origine relativement peu homogènes : on parlait alors de «populations» et plus souvent de «populations de pays» correspondant à une région de culture. C’est la volonté de perfectionner ces variétés qui pousse au début du 19ème siècle des marchands et des agriculteurs à se spécialiser dans le métier «d’améliorateur» des semences. C’est là que le travail des champs fait place au travail d’orfèvre. Oui, si le croisement de deux races de chiens permet leur perfectibilité grâce à la combinaison des qualités de chacun des parents, l’évolution d’une semence est un art bien plus complexe. Le croisement du blé est difficile car la fleur de la plante (chaque fleur peut donner un grain), très fermée, se féconde généralement elle-même. Ce n’est qu’en 1874, qu’Henry de Vilmorin réussit le 1er croisement entre deux blés grâce à une technique, simple mais minutieuse, encore pratiquée aujourd’hui.

Alors, à vos notes, croisement de deux blés, mode d’emploi : ouvrir délicatement l’épillet (dans lequel se formera un grain) sans blesser les organes. Couper les étamines qui portent la semence mâle (le pollen). À l’aide d’un petit pinceau, y ajouter le pollen du blé avec lequel on veut le croiser. Semer. Laisser mûrir, récolter, semer les grains. Arroser. Croiser les doigts. La descendance des grains ainsi croisés est toujours très diversifiée et le sélectionneur doit repérer parmi elle les plantes qui réunissent au mieux les qualités des deux blés initiaux. La nouvelle variété ainsi choisie doit ensuite être homogénéisée (fixée) afin de rendre ses caractéristiques stables au fil des générations. Cette homogénéité est très demandée par les agriculteurs, qui ont besoin de savoir précisément ce qu’ils plantent, et par les transformateurs, qu’ils soient meuniers, biscuitiers ou malteurs, qui ont besoin de bien connaître les caractéristiques industrielles des différentes variétés pour mieux les utiliser.

Si à l’origine, le savoir-faire des cultivateurs était largement suffisant pour permettre aux variétés de semences d’évoluer, celui des semenciers contemporains leur offre aujourd’hui une plus-value incroyable. Chaque variété créée sur-mesure simplifie la vie des agriculteurs et des transformateurs et améliorent sans cesse le fruit et la productivité de leur travail. Un sélectionneur ne fait pas qu’assembler au hasard des gènes existants cultivés depuis la nuit des temps, il crée, via des technologies de pointe coûteuses, des variétés uniques à l’issue d’un travail d’une grande complexité. À ce titre, chaque créateur de semences est qualifié d’obtenteur et peut bénéficier d’un brevet pour protéger ses inventions. Créé en 1961, il porte le nom de «certificat d’obtention végétale» (COV) et il est délivré par une instance officielle française ou européenne. Les agriculteurs rémunèrent l’obtenteur par une redevance payée lors de l’achat de semences certifiées. Ils ont aussi le droit de ressemer les grains d’une variété protégée, à condition d’assurer une « juste rémunération » à son obtenteur. Celle-ci est alors perçue au travers d’une taxe facturée lors de la vente des grains de consommation. Ensuite, les agriculteurs qui achètent des semences sont remboursés de cette taxe par une remise sur leur prix. Au final, la taxe n’est payée que pour les semences ressemées et obtenteurs et cultivateurs y trouvent leurs comptes !

 

 

Alors à la question, peut-on faire du blé avec des semences, la réponse est oui. Mais leur valeur est à la hauteur du travail et du savoir-faire des obtenteurs, qui bénéficient sans aucun doute aux agriculteurs.