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Pourquoi nos sols sont-ils sous surveillance ?

Si il y a bien un programme que les agriculteurs suivent religieusement, c’est la météo. Vous le savez, les cultures sont dépendantes des bienfaits et des caprices de Mère Nature et les professionnels de l’agriculture ont souvent la tête tournée vers le ciel… mais pas que ! Les sols sont aussi sous haute, très haute surveillance et c’est ce sujet que le blog de l’agriculture expliquée par ceux qui la connaissent a choisi d’aborder aujourd’hui.

Petite piqûre de rappel en géographie pour commencer : les sols sont des écosystèmes, issus de la dégradation des roches sous l’effet des conditions climatiques (sécheresses, pluies, gels, érosion éolienne…) et de celle des microorganismes. Résultat, comme tout ce qui est vivant, ils respirent et évoluent au rythme des interactions nombreuses et complexes entre tous les éléments qui le composent. Cette bouillonnante dynamique interne se traduit par des modifications permanentes, plus ou moins cycliques, influencées par les conditions climatiques, les microorganismes, les plantes et les actions humaines agricoles et non agricoles. Nous vous le disions en introduction, les sols jouent un rôle clé dans la production agricole : ils sont à la fois le berceau et la mère nourricière en nutriments indispensables des plantes. Voilà pourquoi ces immenses réservoirs de biodiversité qui vivent sous nos bottes sont étroitement surveillés par les chercheurs et les agriculteurs, soucieux de préserver leur richesse et leur équilibre dans une gestion durable. Pour cela, exactement comme quand le docteur nous envoie faire une petite prise de sang pour vérifier que nous n’avons pas abusé des bonnes choses, la recherche agricole a mis au point différentes méthodes d’analyses pour connaître, maintenir et améliorer la fertilité physique, chimique et biologique des sols. Celles-ci permettent notamment d’appréhender la composition de leurs principaux composants et de décrire les fonctions et les propriétés de ces derniers : cycle de l’eau, du carbone, de l’azote, du phosphore, de la potasse (NPK) etc… Mais de la même manière qu’on ne vous prescrit pas une radio des poumons lorsque l’on veut connaitre votre taux de sucre, les analyses des sols varient en fonction des pratiques agricoles et des questions que l’on se pose :

L’analyse physique (analyse granulométrique) sert à déterminer la constitution des sols en argile, limon, sable et matières organiques. Les teneurs en pourcentage de ces 4 éléments permettent de comprendre la perméabilité, la plasticité et la sensibilité des sols au tassement. Grâce à cela, les agriculteurs orientent judicieusement leurs méthodes culturales (labour, semis, irrigation…) et leurs apports en matières organiques. Bonus : cette analyse donne aussi une indication sur la capacité des sols à retenir et à libérer les différents éléments fertilisants.

L’analyse chimique de base est indispensable pour connaître l’état de la fertilité du sol. Elle permet de mesurer les teneurs des sols en azote, phosphore, potasse, calcium, magnésium, soufre, oligo-éléments dont se nourrissent les plantes. Petit plus : cette analyse donne aussi le pH (acidité) des sols et leur teneur en calcaire total et actif, deux critéres clé de la nutrition des plantes

Le taux de matière organique (MO) est un autre renseignement clé. Il fournit une indication sur la vie microbienne du sol et sur sa capacité à fixer le carbone, donnée indispensable pour organiser la lutte contre le réchauffement climatique. Par exemple, un taux de MO faible (entre 1 et 2%) nécessite des apports de matière organique. A noter que cette teneur en MO à rechercher est dépendante de la structure du sol : plus un sol est riche en argile, plus on cherchera un taux élevé de M.O.

La biologie du sol caractérise quant à elle les éléments vivants du sol comme les vers de terre, les champignons, les insectes, les micro-organismes… Connaitre les relations et de l’évolution de ces différents éléments vivants c’est connaitre les cinétiques de minéralisation du carbone et de l’azote des sols. L’activité biologique d’un sol peut être caractérisée par d’autres méthodes comme par exemple la mesure de la respiration en captant le gaz carbonique résultant de celle-ci.

Une fois ces différentes analyses réalisées, un bulletin soumis à l’interprétation agronomique établit un bilan et suggère un plan de fumure raisonné, adapté à la culture, en tenant compte des antécédents (cultures précédentes) et des informations analytiques recueillies. Exactement comme le ferait votre médecin de famille décidément ! Petite précision : pour avoir une bonne analyse de sol, il faut réaliser des prélèvements représentatifs et de bonne qualité. Voilà pourquoi ces échantillons sont analysés dans l’un des 26 laboratoires agréés par l’État et que les nouvelles technologies sont régulièrement sollicitées pour permettent d’optimiser la géolocalisation des prélèvements, l’accès aux interprétations des résultats et la cartographie des données. Les spécialistes considèrent d’ailleurs qu’il faut réaliser 1 analyse pour 5 ha tous les 4 à 5 ans, soit 4 analyses par an pour 100 ha sur une même parcelle. Quand on vous disait que les agriculteurs n’avaient pas toujours la tête dans les nuages ! Pour l’instant, le nombre d’analyses de sol est estimé entre 250 000 et 300 000 par an, alors que le niveau souhaitable serait d’environ 600 000 analyses chaque année, d’autant que les enjeux économiques et environnementaux sont de plus en plus observés et respectés. C’est d’ailleurs pour cela que les sols agricoles n’ont pas le monopole de cette surveillance étroite : des analyses sont aussi effectuées avant de construire des bâtiments. Les métaux lourds, hydrocarbures, biocides… sont spécifiquement recherchés à diverses profondeurs, dans le but de pratiquer ou non une dépollution du sol concerné.

Pour résumer, analyser nos sols, c’est les considérer et les protéger comme un patrimoine riche mais fragile, vivant et donc soumis aux vicissitudes et aux caprices du temps et des cultures qui passent.

Petit conseil pour les curieux :  vous pouvez consulter l’état des sols de France en vous rendant sur le site Geoportail, l’INRAE y publie ses synthèses