Société
novembre 28, 2017
Pourquoi le maïs nous en fait-il voir de toutes les couleurs ?
Vert pomme, framboise écrasée, tangerine, orange… Muses des nuanciers, les couleurs des fruits et des plantes sont aussi nombreuses et immuables que celles de l’arc en ciel. Mais que diriez-vous si l’on vous apprenait qu’une céréale a décidé de ne pas se contenter d’une seule teinte ? Aujourd’hui sur le blog de l’agriculture expliquée par ceux qui la connaissent, parlons peu mais parlons bien de l’exception qui confirme la règle, le maïs et ses 50 nuances de jaune.
Bien plus élaborées que le scénario du film, les stars de cet article sont bien sûr les pigments du maïs. Le rôle de ces artistes ? Colorer les couches et les tissus des grains. Le maïs possède deux types de pigments différents : le carotène et les anthocyanes. Le carotène est le précurseur de la vitamine A à l’origine des grains jaunes qui, en plus de leur couleur à faire pâlir de jalousie les bananes, lui ont emprunté ses propriétés anti-oxydantes. Les anthocyanes sont eux les heureux parents des grains rouges, bleus et violets et présentent de nombreux atouts biologiques et nutritionnels comme un taux de protéines plus élevé de 20% que leurs cousins à la couleur poussinesque.
Mais une fois sur le plateau et que l’on a crié aaaaaaction, que se passe-t-il exactement ? À l’intérieur du grain, les deux pigments sont synthétisés à différents endroits. Le carotène se fixe dans l’amidon farineux (partie interne) alors que les anthocyanes se fixent dans l’amidon corné ou vitreux (partie externe). Ils colorent ainsi les différents couches et tissus et la superposition de l’ensemble donne sa teinte finale au grain de maïs. A noter que les anthocyanes donnant une couleur intense, le jaune ou le blanc d’un grain ne sont visibles que lorsque ses enveloppes sont incolores. C’est aussi ce mélange qui crée ces fifty shades of maïs : orangé, rose, brun, vert, bariolé, arlequin, arc en ciel, vos papilles en prennent plein les yeux. À l’inverse, l’absence de pigment donne des grains blancs comme ceux du maïs blanc des Landes, de certaines variétés de maïs doux, mais aussi du maïs blanc en Afrique.
Cependant, les grains n’ont pas le monopole des colorations puisque les pigments peuvent également teinter les feuilles vertes de stries blanches, jaunes ou rouges et les spathes (enveloppes des épis) en violet ou bordeaux.
Mais comment expliquer une si grande diversité de couleurs pour une seule et même plante ? Des hauts plateaux mexicains aux plaines françaises, au fil des siècles, avec l’aide de l’homme (agriculteurs, sélectionneurs…) le maïs a su s’adapter à tous les environnements qu’il a conquis. Et si en France, le maïs de nos champs reste invariablement jaune, c’est parce que la sélection a privilégié la couleur des céréales occidentales. Et cette exceptionnelle capacité d’adaptation a engendré tout au long de son histoire et de ses semis une multitude de particularités génétiques dont sont dotées ses variétés ancestrales, sauvages ou sélectionnées. En fait, ce foisonnement de couleurs qui fait la beauté extérieure du maïs n’est que le reflet de sa richesse biologique intérieure.
Belle diversité et biodiversité, voilà donc les deux qualités qui font du maïs l’une des céréales sur laquelle l’agriculture de demain s’appuiera pour relever les défis humains et environnementaux qui sonnent déjà à notre porte. Bien joué l’artiste.
Sources :
Maïs, mythe et réalité, Jean-Pierre Gay, Édition Atlantica, Biarritz, 1999.
Le maïs, une plante pour l’intensification écologique, Jean-Paul Renoux, Éditions France Agricole, 2014, Paris.
La civilisation du maïs, Christophe Labarde, Phare international 2000, 2002.
Géographie amoureuse du maïs, Sylvie Brunel, Éditions Jean-Claude Lattès, 2012.
Immigrations céréalières, CERES, l’imaginaire des céréales, Octobre 2016.