Google+
Google+
Google+
header

Sous les pavés, la ferme ?

S’il faut remonter bien avant mai 68 pour retrouver sous les pavés de Paris champs et pâturages, la plus belle ville du monde était belle et bien entourée, il y a moins de 150 ans, de fermes et d’élevages. Mieux, vaches, moutons et cochons s’y promenaient deux siècles plus tôt. Alors on vous l’accorde, si aujourd’hui cela ferait un peu brouillon de voir une flopée d’oies remonter les Champs-Élysées, l’agriculture a encore sa place en ville. Sous les pavés la ferme, découvrez une nouvelle révolution – agricole celle-ci – racontée par le blog de ceux qui la connaissent le mieux.

Article 1 de ce manifeste pour l’agriculture urbaine : à quoi sert-elle ? On vous le donne en mille, à nourrir les citadins pardi ! Mais bon sang c’est bien sûr, de tous temps les activités agricoles (petits élevages, jardins, aquaculture…) ont toujours existé dans les villes ou à proximité pour des raisons pratiques d’approvisionnement alimentaire. Mais si depuis l’Antiquité, les citadins ont veillé à diviser leur espace urbain en zones d’habitation, d’artisanat (puis d’industrie) et d’agriculture, la croissance démographique, l’accroissement de leur taille et le développement des transports ont progressivement poussé les champs à la porte des villes.

Pourtant depuis quelques années déjà, l’agriculture « citadine » et ses adeptes préparent son grand retour dans le jeu de la politique urbaine. Jardins ouvriers du siècle dernier, potagers sur les toits, jardins partagés, fermes verticales high tech… Derrière tous ces projets et une communication offensive, l’agriculture urbaine s’affiche comme la nouvelle forme émergente de pratiques agricoles par et pour les urbains. Mais est-elle pour autant capable de nourrir la ville ? Quelles sont réellement ses promesses de campagne ?

D’abord de rendre la ville plus durable. Comment ? Avec des projets d’agriculture urbaine qui ont pour vocation de réduire les distances de transport de certaines denrées agricoles, produites et consommées sur place. Pour cela, deux modèles de fermes urbaines sur-mesure existent. Numéro un, les low tech comme le potager sur le toit de l’école AgroParisTech qui mise sur la récupération, le recyclage et les écosystèmes adaptés à sa situation : le contenu de nos poubelles urbaines par exemple, est ainsi transformé en compost utilisé pour fertiliser les cultures ! Modèle numéro deux, les fermes verticales nées il y a une quinzaine d’années comme The Vertical Farm. Imaginée par un architecte urbaniste et écologiste de l’Université de Columbia, elle promet un rendement 4 à 6 fois supérieur à celui d’un hectare de culture classique, mais avec un coût de production prohibitif.

Autre enjeu de l’agriculture urbaine 3.0, rendre la ville autosuffisante. Ce n’est malheureusement aujourd’hui qu’une promesse de campagne ! D’abord parce que toutes les cultures ne peuvent s’épanouir en ville, notamment les céréales, les oléagineux ou les betteraves… Cultiver du riz, du maïs ou du blé par exemple exige à la fois une biomasse de 5 à 20 tonnes par hectare et beaucoup beaucoup beaucoup de surface. Chapeau tout de même à l’exception qui confirme la règle, le Mittelfeld de Wittenheim (près de Mulhouse) où 90 hectares de céréales sont cultivées en ville. Comme l’élevage, la culture des céréales n’est donc pas compatible avec l’agriculture urbaine au sens strict. L’orge a tout de même obtenu une dérogation très spéciale pour être cultivée dans le bois de Vincennes afin de fabriquer un brassin 100% titi parisien. Par contre, les céréales utilisées dans la confection de produits frais peuvent provenir d’une production de proximité voire même péri urbaine (pssst par ici les locavores). Résultat, si nos cultures citadines ne peuvent rendre la ville autosuffisante, elles sont un joli complément à son approvisionnement en produits frais aux circuits ultra courts ! À Paris, l’APUR estime ainsi que 320 hectares seraient potentiellement végétalisables ce qui permettrait dans le meilleur des cas de fournir des légumes frais à 230 000 parisiens.

Et si en plus de rendre les villes un tout petit peu plus autosuffisantes et bien plus durables, l’agriculture urbaine d’aujourd’hui les rendaient aussi… plus humaines ? Hé oui, il y a une jolie vocation qui ne figure pas sur son programme de campagne mais fait souvent plus de bien aux citadins qu’un fruit frais : créer du lien social. Nombre de ses jardins partagés et associatifs font pousser au milieu des pavés de la pédagogie sur l’alimentation, l’agriculture, le rythme des saisons, le lien entre les urbains et les ruraux et aident à la réinsertion de personnes fragiles…

Alors, prêt à vous lancer dans l’agriculture urbaine, cette jolie révolution qui fait déjà fleurir les sourires ?