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Le désherbage, un champ d’innovation ?

Sur le blog de l’agriculture expliquée par ceux qui la connaissent, on vous a beaucoup parlé de la relation ancestrale qui lie paysans et climat. On vous a longuement raconté comme celle-ci avait fait grandir l’agriculture tant sur le plan humain que technologique. Mais aujourd’hui, nous avons envie de vous parler d’une autre relation forte, qui en dit beaucoup sur l’histoire de notre sujet préféré : celle des agriculteurs et du désherbage.

Cette relation, elle existe depuis que la culture existe. De tout temps les cultivateurs ont dû apprendre à composer avec les mauvaises herbes, ces plantes indésirables qui volaient l’eau, les minéraux et la lumière destinés à faire grandir leurs récoltes. Au Moyen Âge, la pratique des jachères et des rotations de cultures très courtes encourageaient encore d’avantage leur prolifération (alors que les mauvaises herbes n’avaient déjà pas besoin qu’on les pousse du coude pour envahir un champ !). De quels outils les paysans disposaient-ils alors pour protéger leurs récoltes, déjà bien assez menacées par le climat (oui encore lui !), les guerres, les maladies et … ? Ciel quelle époque !

Au 1er siècle, Pline (quand il n’était pas occupé à trouver un nom pour la Camomille) écrivait qu’à l’époque de Caton, 100 ans plus tôt, « contre chaque ravageur, il existait des incantations et des prières ».Il conseillait de brûler les herbes car « la fumée serait un préservatif. » Au Moyen Âge, retour à la case départ. Dans une époque dominée par la religion et ignorant toute réflexion critique issue des sciences, le recours à l’intervention divine, pratiquée pendant des siècles, avait pour but de protéger les cultures et les animaux d’élevage. Voilà comment les ravageurs ont été poursuivis, condamnés, excommuniés et bannis par la religion jusqu’à être poursuivis par l’inquisition. Ces pratiques avaient un nom : les rogations, faites de processions accompagnées de prières. Universalisées aux alentours du 8ème siècle, elles n’ont été complètement abandonnées qu’au cours du 20ème siècle. Pourtant au début du 17ème, Olivier de Serres avait tenté une avancée en signalant que la chaux vive permettait d’effectuer un désherbage total. Comme quoi les voies du seigneur des champs sont parfois réellement impénétrables. En réalité, intervention divine mise à part, pendant très longtemps les paysans n’ont pu compter… que sur leur huile de coude. Alors que jusqu’au milieu du XXème, nombre de travailleurs agricoles, femmes et enfants supportaient déjà des conditions de travail parfois très pénibles, la lutte contre les mauvaises herbes était harassante pour des résultats souvent déplorables. Pas étonnant lorsqu’on sait qu’elle reposait sur l’arrachage manuel, complété par le labour, le binage et le fauchage.

Quelques siècles plus tard, où en sommes-nous ? Les cultures subissent toujours les affres du climat, les mauvaises herbes ont changé de nom (pour adventices), ont traversé les siècles, résisté à toutes les formes de destructions mais leur pouvoir de nuisance lui, reste intacte. Chienne de Chienlit, pas de doute, les adventices font partie de la biodiversité ad vitam aeternam. Heureusement pour les agriculteurs, l’ère de la chimie débute vers la fin du 19ème siècle. Peu avant la 1ere guerre mondiale, on trouvait déjà des publicités vantant les qualités de l’« herbicide Eurêka » certainement des sels d’arsenic, utilisés pour nettoyer les allées ou entretenir des terrains de tennis. Il ne s’agissait alors que de désherbage non sélectif : des « tue tout » détruisant toute la végétation. En parallèle, des actions agronomiques permettaient de limiter le fastidieux désherbage manuel des céréales, du lin et autres cultures, un labeur, précisons-le, souvent féminin. Notez tout de même qu’il fallait entre 4 et 7 jours à une personne pour nettoyer un hectare de blé…

Arrive ensuite les désherbants sélectifs capables de détruire les indésirables sans affecter les cultures, comme le sulfate de cuivre, le sulfate de fer et…l’acide sulfurique si agressif qu’il était appelé ‘’huile de vitriol’’. Les quantités épandues ont été certaines années trois fois supérieures aux volumes totaux des pesticides répandus actuellement en France.

À partir du milieu du XX° siècle, alors que l’industrie chimique commence à développer des substances organiques de synthèse et des désherbants plus modernes, leur encadrement devient lui aussi plus poussé. Leur homologation se base de plus en plus sur leur efficacité biologique et la protection humaine et de l’environnement jusqu’à devenir les produits que nous connaissons aujourd’hui.

Perfectionnement des pulvérisateurs, géolocalisation électronique embarquée, biotechnologies, drones… en 2018, le nouveau défi de l’agriculture est de continuer à se protéger des mauvaises herbes tout en réduisant ses volumes de pesticides. La robotique sera sans aucun doute un élément clef du désherbage du futur.

Voilà comment la relation qui lie paysans et désherbage a fait grandir l’agriculture. Humainement, techniquement et écologiquement.