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La dépendance alimentaire du Moyen Orient, une fatalité ?

Ce n’est un secret pour aucun de nos lecteurs assidus, pour faire bouillir leurs casseroles, les agriculteurs doivent remplir nos assiettes. Comme nous l’avons déjà évoqué ici, l’agriculture est l’industrie nourricière de notre planète et doit évoluer sans cesse au rythme de celle-ci et de ses habitants. Si l’écologie et la modification de notre alimentation ont déjà bouleversé le secteur agricole dans sa globalité, les besoins de certaines régions du monde représentent encore de nouveaux défis.

L’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, aujourd’hui victimes de graves crises politiques, religieuses et migratoires, sont également menacés à court terme par un niveau de dépendance alimentaire jamais atteint.  Ce phénomène s’explique en partie par le boom démographique et l’urbanisation très rapide de cette région au cours des 5 dernières décennies : Depuis 1961, sa population est passée de 139 à 496 millions d’habitants, accompagnée d’un taux d’urbanisation de 65%.

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En parallèle, l’alimentation de la région est également en mutation, même si « l’évolution du régime alimentaire moyen diffère du modèle occidental » souligne Pauline Marty, de l’Inra. Ainsi si les céréales ont toujours la part belle dans leurs assiettes, la consommation  de produits sucriers, d’œufs et de volaille est, elle, en constante augmentation. Résultat ?

Les besoins en produits agricoles ont été multipliés par 6 en 50 ans, et l’apport calorique quotidien est passé de 3 200 à 3 700 kcal/jour/pers selon les zones.

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Lorsque l’on sait qu’une calorie sur deux consommée au Maghreb, au Moyen-Orient ou en Afrique du Nord est importée, on mesure l’ampleur des besoins de la région. Si l’ensemble de cette zone est aujourd’hui dépendante des importations à 39%, ce chiffre pourrait atteindre les 50%, voir les 55% dans un contexte pédoclimatique instable d’ici 2050.

Déjà confrontés à une grande vulnérabilité budgétaire, la plupart de ces pays disposent de terres peu fertiles et d’un climat capricieux : précipitations rares, écarts de températures importants rendant ainsi la production très fluctuante et aléatoire. Ainsi, malgré la multiplication par 4 des zones de culture ces 50 dernières années, la région semble incapable de faire face aux besoins de sa population en constante augmentation.

Pourtant, deux pays tirent leur épingle du jeu :

  • La Turquie, auto-suffisante, productrice de la moitié des calories végétales de la région et exportatrice.
  • L’Egypte, dont les rendements sont régulièrement équivalents à ceux des pays européens, notamment grâce à son système d’irrigation modèle. (même si le pays importe régulièrement des céréales)

Pour Chantal le Mouël, chercheuse à l’Inra le bilan est clair : « le constat de dépendance que l’on observe semble être une fatalité. Mais ce n’est pas le cas : c’est le fruit d’accumulation de politiques choisies depuis des décennies. » Et c’est aussi le résultat des conditions de milieu particulièrement difficiles.

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Mais alors, quel avenir, quelles solutions pour les pays du Moyen-Orient face à cette dépendance alimentaire en plein boom ?

À l’horizon 2050, face à une hausse estimée de 50% de la population, les besoins en terres cultivables augmenteront eux de 71%. Le bilan est sans appel : Même si la productivité de la région s’améliore, les terres elles, manqueront. Plus grave encore, si le pire scénario écologique envisagé par le GIEC + 2° en 2050 et + 5° en 2100, a lieu, la zone sera l’une des plus touchée du globe et sa dépendance aux importations passerait de 54% à 68% d’ici 2050.

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Ainsi, si aujourd’hui, le niveau de dépendance alimentaire de la région semble en grande partie lié à son instabilité politique et financière, il pourrait demain exploser à cause d’une catastrophe écologique annoncée. Alors, la dépendance alimentaire du Moyen Orient, une fatalité ? Non, mais l’agriculture ne pourra pas relever seule ce défi humain et géopolitique dont dépend l’avenir de la région et peut-être du monde tout entier.

Sources : d’après une synthèse réalisée par Nicole Ouvrard, parue dans le Betteravier Français de novembre 2015 (données issues d’une étude INRA-PLURIAGRI)