Environnement
mai 26, 2015
Les sols agricoles risquent-ils le burn out?
Dans une société où la productivité est sur valorisée, prendre un peu de repos s’avère de plus en plus compliqué. C’est également vrai dans le domaine agricole, où aujourd’hui plus que jamais, il faut produire plus pour nourrir plus. Car la démographie mondiale étant ce qu’elle est, les bouches à nourrir sont de plus en plus nombreuses.
Alors il n’y a pas de mystère, nos sols agricoles ne chôment pas. Mais, est ce qu’on ne leur en demande pas trop ? Ne risquent-ils pas de succomber à la maladie du siècle, le fameux burn out ?
En agriculture, tout part du sol : une terre fatiguée, mal entretenue ou appauvrie ne pourra pas nourrir la culture qu’elle porte. Heureusement pour nos sols agricoles, ils bénéficient des meilleurs médecins du travail disponibles sur le marché : des agriculteurs attentifs et qualifiés, présents à leurs chevets toute l’année. Pour ausculter les sols, les agriculteurs s’appuient sur leur savoir-faire, mais aussi sur des outils plus modernes : des analyses pratiquées depuis maintenant plusieurs décennies par des laboratoires agronomiques spécialisés. À intervalles réguliers les agriculteurs diagnostiquent leurs sols ; pour cela ils ont recours à deux types d’analyses.
- Les analyses physico-chimiques décrivent la nature du sol (teneurs en argile, limons, sable, graviers, teneur en matière organique) et indiquent ses teneurs en éléments minéraux, comme le phosphore, le calcium, le magnésium… Ces analyses permettent d’évaluer la fertilité chimique d’un sol et donnent aux agriculteurs la prescription exacte des fertilisants à apporter en plus pour nourrir les cultures. De même que nos besoins nutritifs varient en fonction de nos caractéristiques physiques et de notre mode de vie, les richesses d’un sol en éléments nutritifs s’interprètent en fonction de sa nature et des besoins de cultures pratiquées.
- Le second type d’analyses est celui de la biomasse (la partie vivante). Plus récentes, ces analyses font encore l’objet de recherches mais permettent d’ores et déjà d’obtenir des informations précises sur la vie biologique des sols. Celle-ci est favorisée par la teneur en matière organique du sol. Et elle joue un rôle important car le monde vivant du sol (vers de terre, bactéries, micro-organismes…) sont des alliés précieux pour les agriculteurs et l’environnement.
- Ils peuvent en complément réaliser des « profils culturaux » en creusant des fosses dans leurs parcelles et observer des « coupes de sols » qui vont révéler l’enracinement des cultures et les éventuels accidents : zones tassées, asphyxiées, mauvais enfouissement des résidus des cultures, etc. Et leur permettre ainsi d’y remédier par un travail du sol adapté.
Grâce à ces données, nous savons que même à l’ère de la productivité, les sols agricoles français sont bien entretenus et vivants, et par conséquent peu enclins à la fatigue et au surmenage. Heureusement pour eux, les analyses de sols et leur constante évolution permettent aux agronomes et aux agriculteurs de les surveiller de près, d’optimiser leur potentiel de rendement tout en leur évitant le burn out.
Qui aurait cru qu’il y avait autant de vie à 3 pieds sous terre ?
Les organismes du sol* sont généralement subdivisés en plusieurs groupes :
– la mégafaune comme les taupes, les campagnols, les mulots…
– la macrofaune, visible à l’oeil nu (vers de terre, limaces, fourmis, carabes, larves d’insectes)
– la mésofaune, visible à la loupe (acariens, collemboles)
– la microfaune, et les microorganismes, visibles seulement au microscope (protozoaires, nématodes, bactéries, champignons, algues).
Les plus petits organismes sont les plus nombreux et les plus diversifiés : il existerait ainsi plus de 2 millions d’espèces de bactéries et de champignons dont seulement 1% aurait été identifié. Les vers de terre représentent quant à eux le groupe dont la biomasse est la plus importante et la diversité spécifique la mieux connue (leur importance est variable selon les sols et les pratiques culturales, mais on admet que sous une prairie le poids des vers de terre est du même ordre de grandeur que celui des vaches qui pâturent la même surface !).
Que ferions-nous sans nos voisins d’en dessous ?
Certaines bactéries* du sol contribuent à la protection des cultures contre des agents pathogènes, limitant ainsi le recours aux produits de protection des plantes. Des micro-organismes comme les mycorhizes (champignons vivants en symbiose avec certaines plantes cultivées) favorisent l’absorption de certains éléments minéraux, limitant ainsi le recours en engrais. La microfaune (micro arthropodes ou vers de terre par exemple) participe à la dégradation des résidus présents dans le sol.
*Sources GESSOL. Groupement d’Etudes Scientifiques d’Etudes des Sols regroupant des scientifiques de différentes structures de recherche française
Quand on entend des spécialistes parler de fatigue des sols, de quoi parlent-ils ?
Il s’agit d’un vocable ancien qui désignait une baisse, alors mal expliquée, des rendements d’une ou plusieurs cultures comparativement à ceux enregistrés sur des parcelles semblables ou proches. On disait que le sol était « fatigué », il fallait le laisser « se reposer » sans culture pendant un an ; ce qui correspondait à la jachère. Plusieurs phénomènes peuvent être à l’origine de ce constat :
– d’abord, la baisse des teneurs en certains éléments minéraux, ce qui a été résolu par la fertilisation raisonnée.
– l’apparition de maladies (champignons, virus) transmis par le sol lorsque les mêmes cultures reviennent trop souvent sur une même parcelle. C’est pourquoi, généralement on évite la monoculture et qu’une alternance (rotation) des cultures est pratiquée par les agriculteurs, selon des règles qui sont de mieux en mieux connues.
– des phénomènes d’allélopathie, c’est-à-dire des substances émises par les racines de la culture précédente et qui sont antagonistes pour la culture en place.