Google+
Google+
Google+
header

Mais pourquoi les mauvaises herbes sont-elles si mauvaises?

Si en agriculture, un type de plantes n’a pas bonne réputation, ce sont bien elles : les mauvaises herbes. Mais enfin, qui sont-elles vraiment et méritent-elles cette vilaine presse ? Le blog de l’agriculture expliquée par ceux qui la connaissent chausse ses bottes une fois de plus pour vous répondre.

Commençons par une brève parenthèse étymologique : ces mauvaises herbes qui squattent nos cultures sont connues sous le nom d’« adventices » qui signifie littéralement « celles qui croissent sans avoir été semées. » Le problème de ces hôtes des champs que personne n’a invité est ainsi posé on ne peut plus clairement ! En effet non contentes de s’incruster dans les champs, ces dernières les menacent. Différentes études et travaux scientifiques estiment ainsi que sous l’action combinée des maladies, des attaques des ravageurs et de la concurrence des adventices, près de 50% de la production agricole mondiale court le risque d’être perdue avant ou après la récolte. Pire encore, la FAO observe que sur certains sols où la lutte contre les adventices est particulièrement difficile, elle peut entrainer leur abandon. En 2009, l’ONU rapportait que si « les mauvaises herbes n’ont rien de spectaculaire (…) elles causent des ravages sans faire de bruit, année après année ».

À cette époque, la FAO estimait ainsi que les mauvaises herbes étaient à l’origine de près de 95 milliards de dollars de pertes de production vivrière à l’échelle mondiale, des dommages supérieurs à ceux causés par tous les autres agents pathogènes des champs (maladies, insectes et autres animaux) aux dépends en premier lieu des agriculteurs de pays pauvres. Les pertes annuelles varient cependant beaucoup selon les régions, les cultures, les pratiques agronomiques et les conditions climatiques. Pour appréhender d’une manière crédible les risques de réduction des récoltes dans la durée, il a donc fallu multiplier les observations et s’appuyer sur des expériences acquises localement dans des situations comparables. Résultat : la compilation de 110 essais de désherbage menés en France entre 1993 et 2015 sur trois grandes cultures annuelles (blé tendre, colza et tournesol) a permis de chiffrer l’impact d’une absence de désherbage sur la production : une perte de 25 q /ha en blé, de 4q/ha en tournesol et de 3,5q/ha en colza. Mais comment ces plantes s’y prennent elles pour menacer si sérieusement nos cultures ? Les plantes adventices concurrencent leurs voisines cultivées par une compétition accrue vis-à-vis des nutriments (azote, potasse, phosphore), de la lumière (développement conséquent et étouffant) et de l’eau. En d’autres mots : il n’y a pas de place pour tout le monde dans un champ !

Ajoutons à la perte de productivité engendrée par la présence de ces squatteuses sur tige une autre menace : quelques-unes ont des effets néfastes sur la santé humaine et animale. Certaines sont impropres et toxiques à la consommation (graines de datura) ou d’autres encore provoquent des allergies (ambroisie). Les services sanitaires français ont ainsi déjà retiré de la vente des lots de farine contaminés par des graines de datura. Ces dangers sont encadrés par la convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV, ou IPPC en anglais) contre les organismes nuisibles. Dans les relations commerciales régissant la vente des grains, des limites extrêmement strictes sont définies par les pouvoirs publics et fixent à moins de 1% la présence d’impuretés (dont les graines de mauvaises herbes dans des lots commercialisés).

Face à ce problème qui pousse sans demander son reste, les agriculteurs du monde entier ont remonté leurs manches depuis longtemps. Durant de longues années avant l’apparition des herbicides, le désherbage manuel a été le seul moyen mis en œuvre. Pour en réduire la pénibilité (troubles musculo squelettiques par exemple) de nouvelles techniques permettant d’améliorer la maîtrise des herbes concurrentes sont apparues : le semis en ligne, le labour (d’abord à la bêche puis à la charrue), le hersage ou le sarclage manuel en post-levée de la culture, les sarcleuses attelées ou encore la mise à feu du couvert herbacé préalable au semis. Malheureusement ces méthodes ne se révèlent pas toujours efficaces. De plus, la multiplication des échanges et l’évolution climatique encouragent la prolifération de nouvelles adventices et se développent. En effet, la plupart de ces plantes produisent une multitude de graines transportées par les insectes, les oiseaux ou le vent et peuvent se conserver des années dans le sol pour réapparaître dès que les conditions favorables le permettent ! Pas question de baisser la garde donc, la maîtrise des mauvaises herbes dans les cultures est plus que jamais indispensable. Pas question non plus de se cantonner à une seule et même méthode appliquée exclusivement sur la culture de l’année ; au contraire, il faut raisonner et agir sur le long terme en combinant différentes techniques ayant fait leurs preuves. Ces méthodes sont les suivantes :

  • Diversifier les cultures sur les parcelles en alternant cultures d’été et cultures d’automne et en pratiquant des rotations assez longues pour éviter de favoriser une espèce particulière en coupant son cycle.
  • Limiter le stock semencier en évitant la prolifération des mauvaises herbes au pourtour des champs en les éradiquant mécaniquement avant leur floraison.
  • Semer ou planter dans un sol propre pour que la plante cultivée prenne l’avantage sur les mauvaises herbes potentielles (on profite de l’interculture pour faire lever les mauvaises herbes et les détruire avant de semer).
  • Limiter l’infestation en mauvaises herbes en couvrant le sol avec des plantes durant l’interculture et détruire celles-ci au moment de l’implantation de la culture.
  • Utiliser des moyens de lutte mixte (mécanique et chimique) limitant l’usage d’herbicides qui ne sont utilisés qu’en dernier recours pour des raisons environnementales.

Pour conclure, aussi sauvages et belles puissent-elles être, nos jolies mauvaises herbes sont bien une menace et une contrainte délicatement dissimulées sous des pétales colorés pour nos cultures.